La loi Pacte devrait entériner la responsabilité sociétale comme socle de l’entreprise du XXIe siècle

Le rapport Notat/Sénard sur l’objet social de l’entreprise remis le 9 mars au gouvernement consacre la RSE (Responsabilité sociétale de l’entreprise) comme le socle de l’entreprise française du XXIe. Un rapport qui a visiblement convaincu le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, qui le reprend à son compte dans un entretien accordé au journal Le Monde. Chez les acteurs de l’économie responsable, l’heure est au satisfecit.
Le rapport Notat/Sénard consacre la RSE, c’est-à-dire la responsabilité sociétale de l’entreprise, comme le socle de l’entreprise française du XXIème
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“Il y aura un avant et un après rapport Notat/Sénard concernant la place de l’entreprise dans la société”. C’était la conclusion du ministre de l’Économie lors de la remise, vendredi 9 mars, du rapport sur l’objet social de l’entreprise commandé à Nicole Notat, patronne de Vigeo-Eiris et Jean-Dominique Sénard, patron de Michelin.

La modification du code civil actée par le gouvernement

Celui-ci fait entrer de plein pied l’esprit de la responsabilité sociétale (RSE) dans l’ensemble de l’économie française à travers un mix équilibré de disposition incitatives et contraignantes. Qui devraient être reprises en grande partie par le gouvernement dans le projet de loi Pacte qui sera présenté le 18 avril en Conseil des ministres.

Dans un entretien accordé au journal Le Monde le 12 mars, le ministre de l’Économie fait sien l’esprit du rapport qui élagit le but de l’entreprise à une contribution au bien commun et non à la seule satisfaction des actionnaires. “Aucune entreprise ne peut plus envisager son succès et son profit sans considérer les impacts de son activité. [Le capitalisme français] ne doit pas se limiter à la réalisation de bénéfices. Il doit avoir une ambition beaucoup plus vaste : participer à la transformation de la société et à l’amélioration de la vie quotidienne de chacun”, assure ainsi Bruno Le Maire.

Avant de préciser que le gouvernement présentera bien “une modification du code civil” (1) comme préconisé par le rapport ainsi que la possibilité, pour celles qui le souhaitent, de se transformer en entreprise à mission.

Une ère post RSE ?

Des avancées saluées dans le milieu de l’économie responsable. “Le rapport permet d’acter la RSE comme une clé de voute de l’entreprise mais va un cran au dessus en travaillant en profondeur sur la gouvernance de l’entreprise et en consacrant leur double mission, à la fois économique et sociétale”, estime ainsi Patrick d’Humières, directeur de l’Académie durable internationale.

De “nombreuses entreprises qui ont intégré depuis longtemps les préoccupations de responsabilité sociétale”, grâce notamment aux différentes législations, comme le souligne Fabrice Bonnifet, le président du Collège des directeurs développement durable et directeur développement durable du groupe Bouygues. Mais c’est aussi un signal important pour les entreprises qui seraient à la traîne …

Pour Sylvain Boucherand, président fondateur du cabinet B&L évolution, “cela permettra de questionner les entreprises sur l’intégration de la RSE dans leur business model mais aussi aux entreprises d’être plus proactives, en faisant en sorte qu’actionnaires et administrateurs intègrent les préoccupations RSE dans leurs décisions”…

À condition toutefois, que les instances de gouvernance tels que les administrateurs, prennent bien leur rôle à cœur. C’est sur eux que reposera la mise en pratique du texte, fait remarquer Patrick d’Humières. Le renforcement de la place des administrateurs salariés, préconisée par le rapport, pourrait d’ailleurs y aider selon Fabrice Bonnifet.

Les parties prenantes et les ODD, seules “fausses notes”

Autre motif de satisfecit, la part belle donnée aux mesures incitatives, “plus à même de faire des émules que la contrainte sachant que le niveau de maturité des entreprises est encore loin d’être homogène”, selon Fabrice Bonnifet. Parmi ces incitations, on trouve la création des entreprises à mission pour celles qui veulent aller plus loin sur leur contribution positive à la société ou l’intégration de critères RSE dans la rémunération des dirigeants par exemple.

Quelques regrets toutefois : “la pudibonderie française” sur la question des parties prenantes qui ne sont pas mentionnées dans la modification du code civil, une concession aux inquiétudes d’insécurité juridiques portées par le patronat en amont de la publication du rapport. “En ne les nommant pas, on ne leur donne pas de place”, estime ainsi Patrick d’Humières. Certes le rapport incite à la mise en place de comités de parties prenantes (indépendant des conseil d’administration), mais ils “sont encore mal maîtrisés par beaucoup d’entreprises”, déplore l’expert.

Autre grand absent du rapport : les ODD, les objectifs de développement durable, pourtant fixés par l’ONU comme les caps de durabilité pour l’économie mondiale et utilisés par de nombreuses entreprises comme un référentiel pour guider leur stratégie de responsabilité.

Béatrice Héraud @beatriceheraud

(1) Le rapport Senard-Notat propose de modifier l’article 1833 du code civil comme suit : “la société est gérée dans son intérêt propre, en considérant les enjeux sociaux et environnementaux de son activité”. La définition des missions du conseil d’administration sont précisées dans le code du commerce. Il appartiendrait désormais au conseil d’administration de “déterminer les orientations de l’activité de la société en référence à la raison d’être de l’entreprise et veiller à leur mise en œuvre conformément à l’article 1833”