De la taxonomie européenne à la convention citoyenne pour le climat, le verdissement est en marche

D’un côté, le Parlement européen adopte la taxonomie pour réellement verdir les investissements dans l’Union. De l’autre, les 150 citoyens de la convention pour le climat remettent au gouvernement des mesures ambitieuses et disruptives pour mettre la France sur la voie d’une baisse drastique de ses émissions. Deux preuves que le monde plus durable du “jour d’après” n’est pas qu’une utopie

L’épidémie de Covid-19 a lancé le grand débat sur le monde d’après, porté par l’idée que la crise sanitaire serait une césure entre le monde d’avant au modèle économique ravageur et celui d’après où le respect des humains et de l’environnement dominerait le monde. Difficile de croire à ce coup de baguette magique apporté par un virus malin. Pourtant à quelques jours de distance deux signaux montrent que le monde change vite et que les citoyens et leurs élus sont prêts à aller beaucoup plus rapidement vers la transition écologique que ne le croient ceux qui parlent en leur nom.

La taxonomie des activités vertes a été adoptée par Parlement européen le 18 juin. Bien plus qu’un référentiel technique, elle crée un langage commun à tous les pays membres dont les priorités écologistes restent très variables. C’est la pierre angulaire d’un dispositif qui doit permettre aux États, aux entreprises et aux investisseurs de définir leur part verte et de crédibiliser le déploiement du Green Deal. Elle fera partie intégrante de la régulation européenne dès 2021.

Des experts européens aux propositions citoyennes

Il y a trois ans, nous avions fait un rêve, nous les membres du groupe d’experts de haut niveau sur la finance durable : dessiner le modèle européen d’une autre finance qui réconcilierait les objectifs environnementaux et sociaux de l’Europe et ses pratiques financières. Nous étions une trentaine choisis la par la Commission Européenne pour rédiger un rapport dont le rayonnement a précédé le lancement du plan d’action de la Commission, en mars 2018. Il prévoyait l’adoption de cette taxonomie pour 2020. Ce calendrier nous semblait utopiste au vu du nombre d’obstacles qui se dressaient sur la route de ce projet. Et pourtant la magie de ce HLEG auquel je suis très fière d’avoir participé, nous a laissé croire qu’il pouvait naître d’un projet de régulation une aventure humaine collective et enthousiasmante.

Ceux qui combattent le projet de transformation vers un monde plus vert et plus durable sous-estiment sa capacité à redonner de l’espoir à un monde qui en manque tant.  Les conclusions de la Convention citoyenne pour le climat le montrent bien. 150 citoyens d’âges, de milieux et de conviction différents ont très sérieusement travaillé pour dessiner un monde plus respectueux du climat. Les commentaires s’étonnaient du sérieux de leur travail et de la puissance disruptive de leurs propositions.

Ces deux éléments montrent que lorsque les citoyens ont toutes les cartes en main, ils font d’autres arbitrages et qu’il ne sera pas possible d’atteindre nos objectifs climatiques sans une transformation radicale de nos modes de production et de vie. Ils ont jeté un pavé vert dans la mare. Les résultats du second tour des Municipales fin juin et les changements de gouvernement éventuels qui suivront diront jusqu’où ce coup de vent vert a porté.

Anne-Catherine Husson-Traore,  @AC_HT, Directrice générale de Novethic

https://www.novethic.fr/actualite/environnement/climat/isr-rse/edito-de-la-taxonomie-europeenne-a-la-convention-citoyenne-pour-le-climat-le-verdissement-est-en-marche-148699.html

Le Monde – Discriminations : le signal d’alarme du Défenseur des droits

La liste est longue : discriminations à l’emploi, au logement, à l’éducation, aux formations, aux loisirs. Les sources sont nombreuses : enquête TéO de l’Institut national d’études démographiques, étude sur l’accès aux droits du Défenseur des droits, rapports annuels de la Commission nationale consultative des droits de l’homme sur le racisme, multiples opérations de testing (test de discrimination)… Toutes racontent la même chose, année après année : « Les discriminations fondées sur l’origine restent massives en France et affectent la vie quotidienne et les parcours de millions d’individus, mettant en cause leurs trajectoires de vie et leurs droits les plus fondamentaux. »

C’est ce que rappelle le Défenseur des droits, dans un rapport, publié lundi 22 juin, intitulé « Discriminations et origines : l’urgence d’agir ». Jacques Toubon met l’accent sur « l’insuffisance des politiques publiques dans ce domaine », le manque d’ambition et d’envergure des mesures prises par le politique et dénonce « l’affaiblissement du discours public sur l’égalité au profit du discours sur l’identité ».

Lire aussi: Comment les discriminations minent-elles la cohésion sociale ?

La publication de ce document de quatre-vingts pages intervient alors que la crise sanitaire actuelle a aggravé les stéréotypes à l’égard des habitants des quartiers populaires, présentés comme « vecteurs du virus » et « indisciplinés », face au respect des consignes de distanciation physique et des règles du confinement. « La lutte contre les discriminations fondées sur l’origine doit devenir une priorité politique, au même titre que ce qui a été entrepris ces dernières années en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes », plaide le rapport.

A un mois de son départ de cette autorité administrative indépendante après un mandat de six ans, l’ancien garde des sceaux de Jacques Chirac, nommé Défenseur des droits par François Hollande, souligne la « nature systémique » de ces discriminations. L’expression fait bondir certains, elle est pourtant « juste », selon Jacques Toubon, mais « mal comprise » : « Les discriminations ne sont pas le résultat de logiques individuelles, de quelques DRH qui refusent d’embaucher des personnes noires ou arabes, explique-t-il. C’est tout le système qui est en cause, un système qui reproduit les inégalités. » Consciemment ou pas.

« La République ne tient pas ses promesses »

Entre-soi, déni, préjugés, racisme… Le rapport souligne que « l’expérience répétée des discriminations et leur nature systémique ont des conséquences délétères et durables sur les parcours individuels, les groupes sociaux concernés, et plus largement sur la cohésion de la société française (…). Ces discriminations entament le rapport de confiance des individus à la société française et aux institutions (…), et alimentent ainsi une recherche d’identité douloureuse et un sentiment de désaffiliation nationale qui, du reste, ne se trouvent pas contrebalancés par des discours politiques forts ».

La part de la société française concernée est importante et ne se réduit pas à une question de nationalité ou de parcours migratoire. Les discriminations touchent à la fois la population étrangère ou d’origine étrangère (près de 21 % de la population française), mais aussi l’ensemble des générations nées de parents français, assignées à une origine différente.

Lire aussi: Jacques Toubon : « La cohérence de mon parcours, c’est le refus de la fatalité »

Les personnes d’origine étrangère ou perçues comme telle sont dès lors surexposées au chômage, à la précarité sociale, à de mauvaises conditions de logement, aux contrôles policiers, à des relations dégradées avec les forces de l’ordre, et leur état de santé est moins bon. « Pour eux, la République ne tient pas ses promesses », déplore M. Toubon.

Parmi les 5 500 réclamations enregistrées chaque année par le Défenseur des droits en matière de discriminations, un tiers sont relatives à l’origine – au sens large, origine, nom, religion, lieu de résidence – de la personne (un deuxième tiers concerne les discriminations liées au genre, le dernier tiers celles liées au handicap).

« La politique de la ville s’est effilochée »

Le taux de non-recours des personnes victimes de discriminations est très élevé. En effet, seulement 12 % des personnes ayant rapporté avoir vécu une discrimination dans l’emploi, en raison de leur origine, ont entamé une démarche judiciaire, dont les procédures se révèlent souvent lourdes, longues, onéreuses, et douloureuses pour les victimes.

« Il y a beaucoup de résignation, regrette M. Toubon. A l’évidence, la voie du contentieux constitue un levier insuffisant pour lutter contre des discriminations. La politique de la ville s’est effilochée, elle est réduite à quelques actions dans les quartiers populaires, alors que le problème va bien au-delà. »

Parmi les recommandations du rapport : la mise en place obligatoire d’indicateurs non financiers pour mesurer l’état des discriminations liées à l’origine, au sein d’une structure, qu’elle soit privée ou publique, et pour quantifier la présence de profils divers parmi l’encadrement et les comités de direction, par exemple. Par le biais de testings notamment, qui devraient être démultipliés comme moyen d’audit, mais pas seulement.

Lire aussi: Logement : un « testing » révèle de fortes discriminations

« Les pouvoirs publics pourraient exiger des organisations qu’elles mettent en place des plans d’action structurés, précisant un calendrier, des objectifs clairs, des méthodes d’action concrètes et transversales, ainsi que les acteurs chargés de les mettre en œuvre », préconise M. Toubon. L’idée ? « Les obliger à se regarder dans le miroir » et à aller au-delà des politiques incitatives liées à la diversité, qui privilégient l’affichage – chartes et autres labels – à l’action.

Créer un « Observatoire des discriminations »

Le Défenseur des droits ne plaide pas pour autant en faveur des statistiques ethniques et des quotas. « Nous avons le chic en France pour nous interdire l’action en perdant notre temps dans des débats inutiles et scabreux, déclare M. Toubon. Je ne vais pas m’épuiser à régler ce débat. On n’a pas besoin de statistiques ethniques pour agir ! On a parfaitement le droit de comparer les patronymes, de retenir le pays de naissance et d’interroger les personnes sur leurs appartenances pour évaluer une situation. »

Autre recommandation : élargir l’action collective, jusqu’ici réservée aux associations agréées et à des groupes d’individus. « Si la loi l’avait permis, la SNCF n’aurait pas mis vingt ans à indemniser les chibanis[travailleurs du Maghreb venus en France durant les  “trente glorieuses”  (1945-1975)] », fait remarquer M. Toubon, qui propose également la création d’un « observatoire des discriminations », afin de mesurer et d’évaluer en continu l’efficacité des politiques publiques et les comportements dans les structures privées.

https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/06/22/discriminations-le-signal-d-alarme-du-defenseur-des-droits_6043689_3224.html

Climat : bravo à la Convention citoyenne !


Nous sommes habitués à ce que les montagnes accouchent de souris. Moins à ce que des souris accouchent de montagnes. Au terme de neuf mois de travail, le rapport remis hier au gouvernement par les cent cinquante membres de la Convention citoyenne sur le climat est un monument dont beaucoup ont douté au départ1. Un monument d’intelligence collective de l’urgence climatique et des moyens pertinents à mettre en œuvre pour y répondre. Un monument d’inventivité pour revigorer l’exercice de la démocratie quand celle-ci semble paralysée alors que « la maison brûle ». Un monument, enfin, d’engagement, d’ouverture, de finesse dont ont fait preuve tous ceux qui se sont trouvés embarqués dans cette aventure : citoyens comme les autres élus par le sort, membres du comité de gouvernance, animateurs, experts techniques et juridiques, personnalités auditées…

Ensemble cohérent

Sur cet ensemble de très nombreuses propositions2 pour atteindre l’objectif intermédiaire d’une baisse de 40 % des émissions de gaz à effet de serre (par rapport à 1990) en 2030, ce serait une erreur de ne retenir que certaines d’entre elles, plus médiatisées que d’autres. Le renforcement des clauses environnementales dans la passation des marchés publics ou le verdissement des conditions d’éligibilité au crédit impôt recherche n’ont pas moins d’importance que la limitation à 110 km/h de la vitesse sur autoroute. Ces propositions – que le rapport argumente de manière très solide3 –  sont tout sauf un catalogue dans lequel il serait possible de faire son menu. Pour atteindre l’objectif climatique il n’y a pas de solutions simples, mais tout un ensemble d’actions à entreprendre et à articuler entre elles dans tous les domaines. C’est une première idée-force qui se dégage de ce travail.

Le renforcement des clauses environnementales dans la passation des marchés publics n’a pas moins d’importance que la limitation à 110 km/h de la vitesse sur autoroute

La mise en relation des enjeux est un autre point fort issu de ce processus qui s’est donné le temps. Les liens entre action climatique et justice sociale, bien sûr (c’était le cœur du mandat des citoyens), mais aussi entre climat et commerce international (derrière la proposition de renégocier le Ceta) et – c’est tout aussi fondamental – les relations entre climat et biodiversité (traduits par le très riche ensemble de propositions concrètes autour de l’agriculture, de l’alimentation et de l’artificialisation des sols).

Réglementer hardiment

Outre la mise en cohérence des politiques publiques et le contrôle effectif de celles-ci, il faut également souligner ce message fort de la Convention : la nécessité de réglementer, et hardiment. Les 150 ont fort bien compris que les mécanismes incitatifs ne suffisent pas et qu’il faut en rajouter sérieusement du côté normatif (en en compensant les effets sociaux). Ils ont eu le courage d’affronter ce sujet clivant, douloureux parfois, eu égard au « théâtre d’amitiés » qu’ils ont formé au fil de ces sept week-end intenses.

Et ils ont au final assumé des positions ambitieuses. Une seule proposition n’a pas franchi le vote final des citoyens : la baisse du temps de travail pour produire et consommer moins (mais tout de même 35 % de votes favorables). Toutes les autres sont passées, une marque du sérieux du travail des 150. L’obligation de rénovation des logements est sans doute la proposition la plus impressionnante de la part d’une assemblée tirée au sort et représentative de la diversité sociale, politique, culturelle de la population française, mais elle est loin d’être la seule.

Une seule proposition n’a pas franchi le vote final des citoyens : la baisse du temps de travail pour produire et consommer moins

De même, le rejet de la hausse à court terme de la taxe carbone et le dissensus sur sa réintroduction dans le prochain quinquennat ne trahit pas, en définitive, un manque d’ambition. Ni un a priori contre l’outil fiscal ou parafiscal. En témoigne entre autres la volonté de créer une écocontribution significative sur les billets d’avion et de faire disparaître l’avantage au gazole routier, moyennant aides au secteur. Plus encore après la crise du Covid qu’avant, les citoyens se montrent très prudents sur les taxes pour financer la transition écologique. Faut-il les en blâmer ? Ou le gouvernement ? L’expérience qu’ils en ont eue au début du quinquennat, alourdissement de la facture énergétique pour les pauvres, baisses d’impôts pour les riches, a été désastreuse. En tout cas, les 150 ont raison de vouloir élargir la palette des instruments de financement public à des mesures hétérodoxes, citons l’exclusion des investissements verts du calcul des déficits budgétaires et la création monétaire.

Un consensus aussi large qu’ambitieux

Enfin, une leçon capitale pour la suite. Cette « France en petit » qu’est la Convention citoyenne a su, moyennant un important travail de formation et de concertation, parvenir à un consensus aussi large qu’ambitieux. Il est le résultat d’un travail d’appropriation des sujets par des personnes peu informées au départ et d’une relation saine et confiante entre l’expert et le citoyen. Si l’expert s’est exprimé, c’est le citoyen qui a tranché. Les propositions ont été adoptées à 93 % des voix en moyenne, avec des taux d’abstention ou de vote nuls très faibles. Cette expérience tend à montrer que non seulement le politique peut courir le risque de se montrer audacieux, mais qu’il pourrait s’en trouver récompensé, depuis l’élu local jusqu’au sommet de l’Etat.

Que fera Emmanuel Macron des propositions d’une Convention citoyenne qu’il a suscitée et qui vont largement à l’encontre de la politique qu’il a menée jusqu’ici ?

Dans l’immédiat, une grande partie de la France attend de savoir ce que fera Emmanuel Macron des propositions d’une Convention citoyenne qu’il a suscitée – et qui vont largement à l’encontre de la politique qu’il a menée jusqu’ici. Plus que dans ses déclarations (aux envoyés de la Convention citoyenne reçus le 29 juin à l’Elysée ou dans le discours attendu en juillet sur la sortie de crise), plus que dans sa décision d’organiser ou non un référendum demandé par la Convention sur le crime d’écocide, la réponse de l’exécutif se lira dans ses orientations sur les prochaines décisions pratiques, dont les plans de relance de l’économie et le projet de loi de finance pour 2021. La montagne accouchera-t-elle (encore) d’une souris ?

1/ Se déplacer

Principales propositions de la convention citoyenne pour le climat

2/ Consommer

Principales propositions de la convention citoyenne pour le climat

3/ Se loger

Principales propositions de la convention citoyenne pour le climat

5/ Se nourrir

Principales propositions de la convention citoyenne pour le climat

6/ Constitution

Principales propositions de la convention citoyenne pour le climat

  • 1. Dont l’auteur de cet article.
  • 2. Une cinquantaine, se déclinant, outre de nombreuses recommandations, en près de 80 mesures ayant une traduction concrète sur le plan législatif ou réglementaire.
  • 3. Ce qui en fait une mine d’informations !

https://www.alternatives-economiques.fr/climat-bravo-a-convention-citoyenne/00093109

Lobbying: l’épidémie cachée

#Covid19 #LeMondedAujourdhui #LeMondedAprès #devoirdeVigilance 

Un rapport intitulé “#Lobbying: l’épidémie cachée”, réalisé par Les Amis de la Terre France et l’Observatoire des multinationales, alerte sur le travail opaque mené par de nombreux groupes de pression pendant la crise liée au coronavirus auprès des pouvoirs publics, afin d’orienter les aides gouvernementales, mais aussi d’affaiblir les #normes #environnementales et #sociales. Face au risque de mainmise par ces lobbys, les deux ONG réclament la #transparence.

La crise liée au #coronavirus est-elle une aubaine pour le travail dans l’ombre des lobbies?

Le rapport fait état d’une augmentation de l’activité des professionnels de l’influence depuis le début du #confinement. Un constat appuyé par celui de plusieurs médias, qui à Paris comme à Bruxelles ont déjà témoigné d’une telle croissance. Aux Etats-Unis d’ailleurs, où les dépenses de lobbying sont publiées tous les trimestres, on sait déjà que ces dernières ont atteint le montant record de près d’un milliard de dollars pendant les trois premiers mois de 2020, relèvent les ONG

 

Lobbying : l’épidémie cachée